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Rencontres :

Philippe Robert

Philippe Robert, comédien de doublage nous a présenté ici son métier en auditorium de post-synchronisation. Il nous précise maintenant différents aspects de ce travail d'équipe.


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Q : Un DA est il systématiquement présent ou l'OPS peut-il assurer ce poste?

R : Le DA et l'OPS sont 2 personnes différentes, le plus souvent présentes toutes les 2.
Le DA fait la distribution des rôles. C'est une partie décisive du travail que de faire le choix des comédiens/comédiennes qui vont apporter l’énergie et la matière propre au personnage. Le DA va chercher des personnalités de doubleurs proches des acteurs d'origine. Ils sont choisis pour leur potentiel et leur capacité à suivre le jeu, rapidement. Le grain de voix et la façon de parler ( populaire, guindée) sont cruciaux ; ou la capacité à transformer sa voix, ce qui est mon cas, par goût des rôles de composition. Il m'arrive parfois de regarder la télévision, même des programmes sans grand intérêt, pour observer le doublage et apprécier la parfaite cohérence entre le personnage et son timbre de voix.

Le DA fait aussi le lien entre la technique et les comédiens, même si il ne donne pas toujours, d'indication sur le contexte ou le jeu. Le comédien doit savoir aussi proposer une interprétation, envisager les choses avec intuition et spontanéité. Comme le spectateur, il ne doit pas savoir ce qui va se passer, pour conserver le naturel, ne pas anticiper sur l'action à venir. Outre la supervision artistique, le DA va s'assurer que toutes les boucles sont enregistrées, en les cochant au fur et à mesure.
L'OPS a pour tâche d'assurer la technique de prise de son et de synchronisation précise. Il arrive, par manque de budget ou de temps, qu'il remplace la DA lors de l'enregistrement.

Q : Les comédiens sont-ils tous présents lors de l'enregistrement?

R : Impossible, comme on peut l’imaginer! Trop de monde en même temps en studio et le travail serait plus compliqué avec le risque d'une qualité de prise de son moins précise.
Souvent on enregistre seul ses répliques avec hélas, un certain «formatage» selon moi. Par exemple, certaines fins de phrase obligatoirement «fermées» (prononcées dans les graves pour marquer un point final) sont frustrantes, en tant que comédien de théâtre. C’est une contrainte qui peut restreindre le relief de l’interprétation, mais les comédiens qui enregistrent plus tard peuvent mieux se raccorder et cela facilite le montage.

#Coles 4038Le DA peut organiser ses séances par petits groupes, selon les disponibilités. La direction et l'enregistrement sont facilités. On réunira plusieurs acteurs (10 à 15) pour jouer les ambiances de foules et les petits rôles d’un film. Le DA va alors distribuer, attribuer tout au long de la séance, les voix selon les personnalités et les tessitures, comme un chef d’orchestre.
La bande rythmo indique en tête de texte, le nom du personnage, ou un repère vestimentaire s'il est anonyme, ou encore une couleur de lettrage, propre à chacun et le comédien joue quand son personnage apparaît.

Q : Comment se passe le travail avec les comédiens «têtes d'affiche», qui prêtent leur nom, mais sont peut-être moins familières des techniques propres au doublage?

R : C'est leur métier de jouer et pour les particularités du doublage, ils font comme tout le monde, ils débutent et apprennent, c'est vraiment une technique à part. Et ces comédiens se font ou non au doublage où il faut aller vite. Le doubleur doit lire et jouer le texte, en synchronisation, et en trouvant sa liberté dans toutes ces contraintes, utiliser son aptitude de comédien à se plier au jeu, avec humilité. Les D.A. ne sont pas tous pédagogues, mais beaucoup sont des comédiens qui ont eu envie de prendre la responsabilité de diriger des plateaux. Ils savent travailler avec les comédiens, leur éviter le stress.

Q : Quel est l'environnement technique d'un studio de doublage ?

R : On y trouve un écran ou un simple moniteur quand il s'agit de productions à petit budget. Une barre permet de se positionner par rapport au micro. Parfois un second micro, disposé sous une tente en bâche, permet de simuler l’acoustique des actions en extérieur. Le DA et le preneur de son avec la console et le matériel d'enregistrement sont également présents dans le studio.
Même pour les enregistrements en duo, on ne dispose que d'un micro et lorsqu'il y a superposition de répliques, le second comédien s'abstient et est enregistré lors d'une deuxième prise.

Q : Comment est rémunéré un comédien-doubleur?

R : Le cachet est normalement calculé à la ligne de texte pour le cinéma et au forfait journée, négociable, pour le reste. Le barème syndical minimum est de 111,08 € la ½ journée de travail pour un rôle de 1 à 6 lignes, et de 281 € la journée pour un rôle de 30 à 44 lignes. L'évolution des moyens techniques rend le travail plus rapide, avec une incidence sur la rémunération. Le cinéma, qui a plus de moyens que les séries télés, se subdivise en 3 « castes », grosses productions, intermédiaires et « pauvres ». Les budgets sont évidemment assortis.

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Q : Qu'en est-il de la différence entre les VO et les VF dans le rapport entre les dialogues et le reste de la bande son, (les bruitages, les ambiances et la musique de la Version Internationale) ? Les VO intègrent les dialogues dans l'ambiance et les bruitages et le doublage VF est sur-mixé par rapport la VI...

R : Autrement dit, qu’est-ce que je pense des doublages français? Au delà des contraintes techniques, de temps et de budget, propre à ce qui reste une industrie, selon une célèbre réplique, c’est le choix et la qualité des comédiens, du DA et de l'OPS qui font la différence.
Mais pour « impressionner » le public, on choisit souvent des voix trop timbrées (façon Stallone) ou de trop «belles voix». L’interprétation est souvent surjouée, trop affectée. La culture française privilégie le verbe, le sens et les comédiens français sont souvent plus cérébraux que physiques.

Et pour élargir la réflexion, on ignore à quel point, plus que l’image, le son nous conditionne au cinéma et au théâtre. Cela devient alors une question éthique et culturelle, car le public ne s’en rend pas compte.
La voix est-elle au service de l’action, de la pensée, de l’émotion ?
On captive ou on capture l’attention ?
On stimule le spectateur ou on l’éblouit et le soumet au rêve?

Dans la BD on assiste au récit. Dans le manga ou les comics Marvel, on est entraîné dans l'action.
A l’heure du «tout écran», se pose la question de l'éducation à l'image du spectateur. Existe-t-elle? Si la culture ne fait qu’office de « soupape de survie » pour compenser des vies frustrantes, elle ne peut éveiller et stimuler ces vies ; et il y a danger selon moi...


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