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L'OREILLE : LE GRAND SOMMEIL ?

On peut entendre, on peut écouter : ce sont deux déclinaisons du même sens. Mais écoutons nous suffisamment nos oreilles ? Voici quelques pistes de réflexion pour développer notre acuité auditive.
D'où bien écouter peut commencer par bien lire (ce qui suit)...


La disponibilité et l'attention des auditeurs sont des facteurs déterminants.
Observons simplement une dispute pour constater la capacité parfois mise en oeuvre pour ne pas écouter. Et pourtant les oreilles sont dépourvues de paupières, absence parfois regrettable (les soirées des voisins...).
Au delà de l'écoute réflexe, celle, attentive, nécessaire aux métiers de l'audio-visuel, est issue d'un apprentissage, d'un entretien et d'une préservation auxquels les professionnels sont particulièrement attentifs.

La nécessité d'écouter et d'analyser toutes les composantes de signaux complexes oblige à une approche méthodique.
La diffusion de messages via différents canaux, ce qu'on nomme les média, nécessite une prise en compte multiple du processus d'écoute et le respect de critères spécifiques.

L'écoute réflexe engrange de façon globale la totalité des informations sans souci de tri. C'est l'écoute par défaut constamment en action mais de façon passive. On voit sans regarder, on entend sans écouter vraiment. Toutefois l'attention veille à réagir aux stimuli utiles.
Dans le brouhaha d'une galerie commerciale, la perception de son prénom amorce l'écoute active en raison de différentes sollicitations : fond, forme, localisation... Le système nerveux auditif analyse le message dans un sens utilitaire pour un usage courant.
Transféré au cadre professionnel, le signal sonore est déconstruit lors de sa réception pour observer les éléments constitutifs, les interactions induites, la cohérence générale et le sens du message.

La voix off du documentaire en cours de mixage trouve-t-elle sa place dans l'habillage constitué de musique, d'ambiance, de bruitage ?
Ceci questionne la pertinence de l'habillage.
L'expressivité de la musique ne nuit elle pas par sa seule présence au commentaire ? On aborde ici l'écriture sonore, fondamentale, autre sujet.

#JBL 4411 - 10” woofer, 5” midrange, titanium dome tweeter

L'écoute analytique de l'opérateur de prise de son (OPS) se compare à l'élaboration d'une mosaïque : formes, motifs, couleurs, textures interagissent pour construire un ensemble, lisible globalement sans référence nécessaire à chaque élément constitutif.
L'écoute active agit de façon similaire : l'attention portée au signal complexe s'étend à chaque composantes pour évaluer les équilibres et les agencer de manière pertinente. La complexité du travail varie selon la place laissée à la subjectivité artistique.
La voix off doit être perçue sans effort dès la première et souvent unique écoute d'un public à l'attention parfois discontinue.
A l'inverse, un mixage musical peut justifier une voix « enterrée » dont le son plus que le propos créera un effet artistique. Ceci dans la mesure où les informations transmises rendent l'intention compréhensible.
Ce qui nous ramène à l'écoute de notre réalisateur artistique. Il analyse à la fois le signal résultant et chaque composantes dans leurs interactions. L'écoute verticale de nos amis chefs d'orchestre.

Quel apprentissage pour l'audition ?
On débutera par l'écoute régulièrement entretenue des sources sonores naturelles, sons de la vie courante, sons de nature, d'objets manufacturés, d'instruments de musique...et ce autant de façon clinique, le son lui-même pris isolément, que situés dans leurs environnements usuels.
Ceci constituera un référentiel à même de confirmer une captation ou un mixage, filtré par la subjectivité de l'OPS selon la place qui lui est laissée. Le son d'une porte qui claque, celui d'une guitare folk ou la réverbération artificielle dans une séquence de film... tout cela est il cohérent ?
A l'indispensable curiosité auditive de tout OPS peut s'ajouter un analyseur de spectre, outil logiciel commun, matériel plus rare car coûteux. Sa description par 1/3 d'octave, 31 analyses pour le spectre audible, de sources isolées comme de signaux complexes permet un diagnostic précis. Reste au réalisateur à synthétiser les informations, au passage à valider sa propre perception, et à faire les choix adaptés.
Comment associer la grosse caisse et la guitare basse ? L'analyseur précise l'intensité par fréquence de chacune. L'opérateur va moduler avec discernement le niveau des valeurs critiques et ainsi en permettre la lisibilité. Il filtrera les effets de masque tout en faisant des choix artistiques affirmés.
Et comme les choses seraient trop simples en l'état, il faudra aussi tenir compte de toutes les autres sources. L'impact de la grosse caisse influe sur la basse, celle-ci avec les guitares électriques qui dialoguent avec les claviers et inversement.
Et n'oublions pas l'ensemble de la batterie, les percussions, le chant et les invités surprises.

#JBL 4411 - 10” woofer, titanium dome tweeter-2

Une suggestion pour développer l'acuité auditive ? Choisissez votre morceau de musique préféré. Ecoutez un instrument de bout en bout (oui, toutes les notes, même celles masquées par le solo de guitare). Même exercice en suivant deux instruments simultanément. Puis trois, quatre... et tous, individuellement et collectivement. Excellente gymnastique. 4Renouvelez régulièrement l'exercice, en variant les titres bien sûr.

L'écoute repose sur un phénomène assez simple : repérer, comprendre, interpréter.
Au cinéma ou en musique, on n'oublie ni la télévision, ni la radio, ni les jeux vidéos et évidemment pas l'indispensable internet, l'agencement de sources simples augmente la complexité de l'exercice : organisation spectrale, spatialisation statique ou dynamique, reliefs sonores évolutifs, caractérisation artistique, le tout forme la scène sonore. L'analyse navigue en permanence de l'individuel au global : définition des timbres, triangulation des sources, cohérence du signal complexe.
Creusez les nappes de clavier vers 4 Khz avec une pente douce à l'aide d'un correcteur paramétrique et la voix se libère...

Exercice pour la prochaine fois : The Rolling Stones, « Star star », album « Goat's head soup », producteur Jimmy Miller, 1973.
Titre qui a marqué en son temps et redevient d'actualité avec la parution d'un nouveau mixage de l'album (septembre 2020) et Giles Martin (!) aux commandes.
Prenez votre chapeau façon Indie Jones et partez à la recherche du saxophone perdu, vers 1 minute du début.

Bye, et les oreilles en éveil.


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